À Daoulas, d'avril à juin 2024, un petit groupe s'est réuni chaque lundi pour pratiquer la philosophie, sur le thème de l'engagement. D'un côté, est apparue la nécessité d'un engagement pour l'exercice même de la philosophie, de l'autre, le groupe s'est interrogé sur les raisons du désengagement. Ces quelques extraits rappellent et étoffent plusieurs de ces questions, travaillant le rapport de l'engagement aux limites posées par l'existence, la politique, la psychologie humaine, et le rapport recherché par la philosophie à l'engagement.
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Partons du plus élémentaire, du plus visible, du plus simple à identifier : le rire. Le rire est un phénomène humain universel, événement nerveux spontané et contagieux, qui agite les organes et imprime sur le visage les signes caractéristiques de la joie – sourire et yeux plissés. Ce qui fait normalement rire, causes consensuelles de ce phénomène, est regroupé dans le « comique », qui désigne, lui, un ensemble de codes culturels spécifiques.
Le capitalisme, après avoir uniformisé le temps de sommeil, concorde à le réduire afin d’augmenter le temps de production de valeur. Le télétravail permet à cette fin de rendre perméable la frontière entre lieu de travail et domicile et de réduire le temps passé dans les transports. L’expérience du travail se fond progressivement dans un quotidien peu différent du temps de loisir, médiatisée par le smartphone. Cette généralisation d’un rapport flou au travail permet d’entretenir paradoxalement un rêve aussi ancien que le capitalisme : celui de la fin du travail.
“D’accord”, “cool”, “parfait” : au quotidien, on limite souvent ses jugements à des jugements subjectifs et approbateurs, plus automatiques que réfléchis. Ils correspondent à des conventions de communication, ils servent de signaux de reconnaissance minimale, ils ponctuent une écoute peu engagée. Quant à la question d’interrompre ce flux confortable, en émettant une critique ou une considération plus objective, beaucoup s’y refusent. "Je ne veux pas juger".
La philosophie part de l’énigme. Alors considérons celle qui se présente ici : l’association de “pratique” et “philosophie” paraît bancale. La pratique est la somme des gestes répétés, l’expérience concrète qui s’accumule vers une technique maîtrisée. On imagine au contraire la philosophie comme une non-action, une contemplation des choses abstraites pour en déduire les principes. Praticien.ne et philosophe s’opposent comme l’ouvrier.e et l’architecte, l’un.e réalise tandis que l’autre conçoit ; l’un.e façonne, l’autre théorise.